Dessin et modèle – Tout ce qui est apparent dans le dépôt n’est pas nécessairement protégé

Type

Veille juridique

Date de publication

30 juin 2020

TUE, 12 mars 2020, T-352/19 : Le Tribunal de l’Union européenne refuse de protéger l’apparence des aliments contenus dans un modèle d’emballage alimentaire alors même qu’ils sont visibles sur le dépôt.

Un modèle de l’Union Européenne déposé en 2012 à l’EUIPO par la société Gamma-A SIA, portait sur un emballage d’aliments constitué d’une boite ronde métallique dont le couvercle transparent, détachable au moyen d’une languette elle aussi transparente, permettait de voir les aliments insérés dans la boite. Trois photographies du modèle figuraient au dépôt dont deux permettant de distinguer des produits alimentaires, en l’occurrence des poissons séchés, disposés de manière compacte.

En 2017, une demande d’annulation était déposée par un concurrent sur le fondement d’une divulgation antérieure consistant en un emballage en tout point similaire, exception faite des aliments contenus dans l’emballage.

La demande d’annulation était d’abord rejetée par la division d’annulation de l’Office européen, avant finalement d’être acceptée par l’une des Chambres de recours qui retenait que «  le dessin ou modèle contesté produisait sur l’utilisateur averti la même impression globale que celle produite par le dessin ou modèle antérieur  », en indiquant que ne devaient être prises en compte que les seules caracte ?ristiques de l’apparence des emballages, et non les caracte ?ristiques de l’apparence des aliments contenus dans l’emballage.

Le titulaire du modèle formait alors un recours devant le Tribunal de l’Union européenne (le « TUE ») afin de conserver la validité de son modèle. Dans son arrêt, le TUE a rappelé en préambule un certain nombre de principes bien établis :

  • le caractère individuel s’apprécie selon les différences d’impression globale que le modèle procure à l’utilisateur averti (ici le professionnel de l’agroalimentaire et le consommateur moyen d’aliments en conserve) en comparaison de celle produite par un dessin ou modèle divulgué antérieurement ;
  • il est tenu compte dans cette appréciation du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle, considéré en l’espèce comme élevé dans la mesure où de nombreuses manières d’emballer les aliments sont susceptibles d’être mises en œuvre ;
  • il est également tenu compte de la nature du produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé et, notamment du secteur industriel dont il relève.

Le titulaire du modèle faisait d’abord valoir que lors de son examen au moment du dépôt, la Chambre de recours avait écarté l’apparence des aliments en se fondant sur la classification visée dans le dépôt, à savoir des « emballages pour aliment ». Par cette limitation, la Chambre de recours aurait restreint la portée de la protection du modèle.

Cependant, selon le TUE, si la nature du produit dans lequel le modèle est incorporé ne peut influer sur l’étendue de la protection, elle peut en revanche « contribuer à déterminer l’impression globale produite sur l’utilisateur averti  » (§28). Par ailleurs la simple visibilité des aliments dans le dépôt ne saurait suffire à élargir la protection du modèle. Il ne s’agirait selon le TUE que d’une simple illustration de l’un des véritables éléments du modèle, à savoir le couvercle transparent (§31).

Ensuite, le titulaire du modèle critiquait la décision de la Chambre de recours en ce qu’elle avait exclu les aliments visibles de l’étendue de l’impression globale. Or, selon le TUE, la protection porte sur le seul emballage aux caractéristiques déterminées, à savoir un récipient en métal, un couvercle transparent et une languette translucide. Dès lors que l’apparence des aliments n’est pas protégée, l’impression globale ne peut les prendre en considération.

En outre, au regard de l’utilisateur averti, l’appréciation de l’impression globale doit être conforme avec la finalité des produits dans lesquels le modèle est incorporé, à savoir l’emballage d’aliments. Ainsi la manière de présenter les aliments au sein de l’emballage est sans incidence sur l’impression globale de l’utilisateur averti, contrairement à ce que soutenait le titulaire du modèle.

Le point 46 de la décision résume la position du TUE : « lors de l’appre ?ciation de l’impression globale produite sur l’utilisateur averti par le dessin ou modèle conteste ? aux fins de l’examen de son caracte ?re individuel, ce sont exclusivement les caracte ?ristiques de l’apparence des emballages dans lesquels le dessin ou modèle conteste ? est destiné a ? être incorpore ? qui doivent e ?tre prises en compte, et non les caracte ?ristiques, la qualite ? et la disposition des aliments contenus, indépendamment de la question de savoir si, en raison de la nature transparente des emballages ou de leur couvercle, lesdits aliments sont visibles  ».

Enfin en dernier lieu, la requérante soutenait qu’il subsistait des différences quant aux proportions du dispositif d’ouverture par languette transparente, différences que le TUE a jugé insignifiantes au regard de la grande liberté du créateur dans ce domaine industriel. Dans l’attente d’un éventuel arrêt de la Cour de justice, un pourvoi ayant été formé, deux constats peuvent être provisoirement dégagés de cette décision : d’une part, la classification des produits, bien que purement administrative, produit des effets quant à la détermination de l’utilisateur averti ainsi qu’à l’appréciation de l’impression globale ; d’autre part la présentation d’éléments dont la protection n’est pas explicitement envisagée ne peut sauver la validité fragile d’un dessin ou modèle européen.

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